Archive pour août 2011

Le monde Diplomatique, Note de lecture : Après Marx, Jürgen Habermas

Samedi 6 août 2011

Article paru dans Le Monde Diplomatique
Mai 1986

Après Marx Jürgen Habermas

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                             Jürgen Habermas

Le titre original du volume, Sur la reconstruction du matérialisme historique , a sans doute été jugé peu commercial par l’éditeur français, qui lui a préféré cet Après Marx , plus frappant mais aussi plus ambigu. Jürgen Habermas, considéré comme l’un des plus représentatifs parmi les intellectuels qui se réclament de l’école de Francfort (T. Adorno, M. Horkheimer, H. Marcuse, W. Benjamin, etc.) a réuni un certain nombre de textes – articles, conférences, – la plupart rédigés autour de 1975, et qui ont en commun d’interroger des thèmes fondamentaux du marxisme.

Par suite de ses déformations staliniennes, le matérialisme historique ou dialectique a été largement discrédité. Jürgen Habermas s’efforce d’en repenser l’essence en montrant qu’il est possible d’imaginer un certain nombre d’articulations nouvelles, à partir de la sociologie ou de l’anthropologie, qui en constituent une sorte de reconstruction.

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Habermas prolonge cette interrogation en revenant à l’inspiration hégélienne et dialectique de l’école de Francfort, en repensant la signification des philosophies de l’existence (Jaspers), dans une perspective assez proche de la Dialectique du concret de Karel Kosik (Maspero, Paris, 1978). En fait, Après Marx constitue un remarquable « retour à Marx », au-delà des interprétations sclérosées. (1)

Jean-Michel PALMIER

Références bibliographiques :

Après Marx, JÜRGEN HABERMAS
(1) Fayard, Paris, 339 pages, 120 F.

Le Monde Diplomatique, Après l’apocalypse nucléaire

Samedi 6 août 2011

Article paru dans Le Monde Diplomatique
Juin 1986

APRÈS L’APOCALYPSE NUCLÉAIRE

Au cimetière des utopies

Après l’anéantissement de l’humanité par l’apocalypse nucléaire, les rats seront sans doute les seuls dignes habitants de la terre. Tel est le leitmotiv de cette épopée, Die Rättin (la Ratte), aussi fascinante qu’inquiétante, que vient de publier Günter Grass et qu’il affirme être son  » dernier roman. »

Sans doute l’écrivain allemand – aujourd’hui âgé de cinquante-huit ans – nous a-t-il, à travers les Années de chien, le Tambour ou le Turbot , habitués à ce style épique et burlesque, qu’il admire tant chez Alfred Döblin, l’auteur de Berlin Alexanderplatz. Jamais il ne l’avait élevé jusqu’à cette dimension macabre. Il est difficile de rester indifférent à ce mélange de beauté, d’horreur, de poésie, de cauchemar, qu’il a si intimement serti dans la trame d’un calme désespoir et d’une ironie sans limites,

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                    Günter Grass

Ce livre sera-t-il le « dernier » ? Il marque assurément un certain achèvement dans la lutte et les espoirs évoqués dans tous ses autres récits. C’est à plaisir qu’il fait se rencontrer, autour de cette ratte, ses personnages favoris, qu’il s’agisse du Turbot féministe, d’Oskar, le petit garçon du Tambour qui ne voulait pas grandir, ou la grand-mère du pays cachoube, aux amples jupes. La ratte demeure pourtant son interlocutrice privilégiée et l’auteur entretient avec elle une relation pleine d’amour, d’humour, d’attention et de tendresse. Animal expressionniste par excellence – que l’on songe aux  » rats sifflant de désir » des poèmes de Georg Trakl, à ceux de Gotfried Benn, dévorant les petites filles noyées, – la ratte de Günter Grass est aussi bien un personnage de conte de fées que de conte philosophique : au commencement était la guerre, à la fin régnaient les rats. Quand nous seront tous morts, ils se raconteront peut-être encore notre histoire. Ils seront les gardiens de nos tombes.

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                     Oskar, dans le film Le tambour de Volker Schlondorff

Günter Grass a construit son roman en douze chapitres qui ne cessent de mêler tous les symboles, à travers une étrange polyphonie. Il est question de la présence des rats dans l’arche de Noé, d’une carte postale de Pologne, d’Hänsel et Gretel, du charmeur de rats de Hameln, d’un poète qui écrit un scénario pour un producteur de cinéma passionné par les contes de Grimm et voulant sauver les forêts sans lesquelles il n’y aurait plus de contes de fées.

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La ratte qui dialogue avec l’auteur a dévoré toute la philosophie et la littérature occidentales. Elle n’ignore rien sur la bombe à neutrons, les dispositifs nucléaires et les ordinateurs. Elle s’intéresse aussi bien à la politique étrangère de la République fédérale d’Allemagne qu’au syndicalisme en Pologne.

Ce roman baroque, pessimiste, ravale nombre de récits de science-fiction au rang de bluettes dignes de la comtesse de Ségur. Il porte non seulement le poids de l’histoire allemande, mais de notre histoire à tous. Günter Grass brise les mythes et les recompose au gré de sa fantaisie. Aujourd’hui, le charmeur de rats de Hameln attirerait les « punks » des grandes villes, Hänsel et Gretel militeraient dans un mouvement pacifiste. Et le rat n’est plus le symbole du cauchemar ou du rêve : c’est lui qui, après Ibsen et Freud, déchiffre les matériaux de l’inconscient nucléaire. L’animal est aussi réel que la sorcière de Blanche-Neige. Il a la beauté des contes pour enfant et la sagesse des philosophes grecs.

Seulement, ce qui aurait pu être un roman de formation, au sens romantique, n’est plus qu’un chant funèbre. Tout est fini. Les jeux sont faits, Nous avons tout perdu. Et ces rats qui courent dans nos villes en ruines au milieu des cathédrales, ne peuvent que grignoter ce qui reste du cimetière de nos utopies. Nous avons la bouche pleine de terre, plus aucun rêve. Lorque nous aurons disparu de la surface de la planète, nos vains espoirs, ce sont peut-être les rats qui les réaliseront. Créer un monde meilleur, ne pas saccager la terre. Comme le dit la ratte dans un accord final Ein schöner Traum ! (Un beau rêve).

Au-delà d’une fiction littéraire tout à fait surprenante, Günter Grass établit le bilan politique d’une génération qui a vu s’effondrer la plupart de ses utopies. Il exprime toute sa haine pour les années 50, qui n’accouchèrent que d’amertumes et de désillusions.

Jean-Michel PALMIER

Le Monde Diplomatique, note de lecture : 93 et les Jacobins

Samedi 6 août 2011

Article paru dans Le Monde Diplomatique
Novembre 1988

93 et les Jacobins par Dominique Aubry

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L’ouvrage de Dominique Aubry s’attache d’abord à élucider l’action et les idées des Jacobins, en soulignant le caractère inépuisable de cette problématique. Tout l’intérêt réside dans une confrontation minutieuse des faits avec leurs représentations idéologiques, en particulier littéraires. Chateaubriand, Mme de Staël, Thiers, Vigny, George Sand et Hugo sont pareillement cités comme témoins.

Quant à l’ensemble des textes traduits et présentés par Joël Lefebvre, il comble une lacune considérable. Des premiers jugements portés à chaud sur les événements à la vision de Hegel, en passant par tous les théoriciens du romantisme allemand et ses poètes, il nous invite à découvrir non seulement le foisonnement d’idées suscité par la Révolution, la diversité des jugements portés sur les événements de 1789, mais surtout l’impact qu’ils eurent sur des théoriciens essentiels et peu connus en France, comme Hardenberg, Franz von Baader ou J. Görres.

Presses Universitaires de Lyon, Lyon, 1988, 346 pages, 113 F.

Jean-Michel Palmier

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