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L’Ami des Nègres de Tabori et le Métro fantôme de Le Roi Jones

BARAKA joue les fantômes au bar du site Artamis
 » Le spectacle Le métro fantôme perche à l’Etage, un bar du site Artamis qui plaît par son vieux plancher de bois, son comptoir peint en rouge et ses sièges dépareillés.
Une atmosphère très Off avec en plus la surprise de se trouver assis à côté de l’un des comédiens sirotant un scotch sans se faire remarquer. Il participe avec trois autres à cette création  en français d’une pièce de l’auteur noir américain BARAKA, autrefois connu sous le nom de Le Roi Jones.  Auteur à trente ans de Blues People, ouvrage historique sur le peuple afro-américain à travers sa musique, LeRoi Jones devient Amiri Baraka au milieu des années 60, après l’assasinat de Malcom X et les débuts du Black Arts Mouvement. Au cours du monologue de Clay, dans le
Métro fantôme, le nom de Bessie Smith est prononcé, assorti de vérités sur l’affirmation noire par la musique. Le comédien cubain francophone Hector Manuel Perez Brito joue Clay, face à une provocante Lula, incarnée par Cathy James Emmanuelle. Cette actrice passée par le Teatro Malandro d’Omar Porras est ici la femme blanche qui cherche à allumer un  » jeune noir tout à fait comme il faut. C’est au fond ce qu’elle lui reproche le plus.  Elle ne l’accepte pas dans le rôle du sage étudiant calqué sur sur le bon genre anglo-saxon. Elle veut le faire sortir de ses gonds et n’obtient à la fin qu’un  violent discours fort intelligent dicté par les convictions d’Amiri Baraka. Dans ce lieu, avec ces comédiens là, le Métro fantôme laisse le souvenir d’un vaisseau dans la nuit. »

La Tribune de Genève du jeudi 1er avril 2004 – Benjamin Chaix

 Article paru dans Politique Hebdo du 22 février 1973

Deux pièces actuellement jouées au théâtre Récamier, l’Ami des Nègres,de Tabori et le Métro fantôme, de Le Roi Jones, méritent d’être signalées pour leur valeur politique et artistique, admirablement renforcée par la mise en scène de R. Goldsby. Ce qu’elles nous montrent, sur la scène, dans la salle, pendant le spectacle et au cours du débat qui lui fait suite, c’est l’étonnante dialectique de la peur et de la culpabilité qui assaille la psychologie du Blanc américain. Deux pièces au vitriol et dont on ne ressort pas intact.

L’Ami des nègres, c’est un Blanc, un libéral qui habite à la frontière, entre New York et Harlem. Il vit seul avec sa chienne, Polly, un berger allemand racé, d’origine viennoise, qui s’ennuie à New York et se plaint de la vulgarité qui l’entoure. Ce Blanc et sa chienne forment un étrange couple. Les reproches qu’il lui adresse ne sont pas sans évoquer ceux qu’il pourrait adresser à sa femme et la chienne se comporte avec lui comme le ferait une maîtresse – adoration, jalousie, respect, soumission. L’ennui, c’est qu’il est entrain de devenir fou, empoisonné par le racisme et la peur. Dans son quartier, les Blancs se sont armés contre les noirs et ont acheté des chiens policiers. Lorsqu’éclatent les émeutes, les policiers entrent dans le ghetto, retenant à peine des monstres écumants, prêts à bondir à la gorge des Noirs. Alors, on les imite. Les Noirs qui traversent le quartier lisent sur la gueule des chiens la haine que portent en eux les Blancs. Polly non plus n’aime pas les Noirs. Elle a été contaminée elle aussi par le racisme.

Le Blanc voudrait aimer les Nègres, mais il n’arrive pas à vaincre la peur qui l’assaille lorsqu’il les voit passer dans la rue. Son étonnant monologue/dialogue avec les chiens est une sorte de Plaidoyer d’un fou. Chaque phrase se retourne et exprime un sens contradictoire: il veut se séparer du chien qui hait les Noirs et leur montre les dents, mais il commande au chien de les mordre. Lorsque le chien lui dit qu’il les a mordus, il veut le tuer.

Cette chienne qui n’a rien fait que prendre les habitudes des hommes blancs, cette chienne qui est prête à le suivre jusqu’au bout, cette chienne qui n’est que le pâle reflet du racisme et de la peur qu’il a en lui, il la tue froidement tandis qu’elle lui rappelle les plus beaux moments de leur vie. Elle meurt à ses pieds, et lui n’a plus qu’à aller montrer aux Noirs son cadavre : il l’a tuée, pour montrer qu’il était l’Ami des Nègres, qu’il ne fallait pas lui faire peur car il avait sacrifié pour eux ce chien.

La pièce de Le Roi Jones, Le Métro fantôme, est trop connue pour qu’on en parle longuement. C’est l’histoire d’une rencontre manquée : celle de Lulla et de Clay. Elle est blanche, blonde, provocante. Il est noir, jeune, ne demandant rien à personne sinon qu’on lui fiche la paix. Il l’a regardée à peine, mais elle l’accuse d’avoir regardé ses fesses avec insistance. Elle le provoque car il n’est pour elle qu’un animal sexuel, et n’arrive pas à voir en lui un homme : c’est un Nègre, un être sur lequel on projette ses fantasmes et son mépris. Elle est prête à coucher avec lui en tant que mâle, mais elle le méprise en tant qu’individu. Elle l’embrasse et le hait, le caresse et l’insulte. Ce dialogue d’une concision et d’une violence extraordinaire fait voler en éclats toutes les images du racisme sournois.

Ces deux pièces, admirablement jouées par Chantal Darget, Georges Staquet et Greg Germain, malgré leur violence ont quelque chose de rassurant. D’abord, ce sont des oeuvres, un spectacle. Aucune femme ne s’identifie à Lulla et aucun  homme n’acceptera de se reconnaître sous les traits du libéral Ami des Nègres : on laisse aux Américains le privilège de cette violence dans le racisme. Mais la pièce est suivie d’un débat, débat avec les acteurs qui donnent à ce spectacle une valeur particulière.

Bien sûr, en France, les « Nègres », on ne les déteste pas. Bien sûr, en France, on n’est pas aussi raciste. On invite même les chefs d’État africains et on les aide. Mais déjà, la discussion devient moins calme lorsque l’acteur noir demande au public s’il est bien sûr d’être étranger à toutes les formes de racisme à l’égard des Noirs. Combien de bons Français, pacifiques et même progressistes, n’aimeraient pas voir leur fille épouser un Noir ou se trouvent choqués quand un Noir et une Blanche s’embrassent dans le métro ? Greg Germain – Clay – raconte que lorsqu’il demande son chemin, à Paris, on lui répond gentiment : « Toi, y en a qu’à passer pa’ là « . Et le paternalisme, le néo-colonialisme, l’appui accordé à la bourgeoisie noire ne sont-ils pas des formes de racisme ? La discussion devient plus animée encore lorsque l’on parle du Black Power et des Panthères Noires. Certains spectateurs anti-racistes insistent : l’amour et la compréhension mutuelle, voilà la solution. A bas les extrémistes ! Les Noirs ne sont-ils pas racistes ?

Récemment, un étudiant noir en Arts plastiques m’a raconté une anecdote édifiante : aux Beaux-Arts, dans une ville de province, il a posé comme modèle: les étudiants n’ont pas réussi à le dessiner. Ils ont dessiné un nègre, simplement, un nègre avec des cheveux crépus et des lèvres démesurément charnues, mais il n’a pu retrouver, dans tous les dessins, la moindre ressemblance avec son visage, son sourire, ses yeux. C’est la plus sournoise marque de racisme que l’on puisse relever, la plus terrible, car on ne peut même pas la maîtriser.

Jean-Michel PALMIER

Le Métro fantôme Un article de Wikipédia, l’encyclopédie libre.

Le Métro fantôme (Dutchman) est une pièce de théâtre écrite par Amiri Baraka sous le nom de plume de LeRoi Jones. Elle a obtenu en 1964, à New York, l’Obie Award, récompense décernée à la meilleure pièce de l’année et a rallié à Paris la quasi-unanimité de la critique.
Histoire [modifier]
C’est, dans l’obscurité ferraillante d’un tunnel de métro new-yorkais, une nouvelle traversée du Vaisseau fantôme de Richard Wagner.
Ce qui suit dévoile des moments clés de l’intrigue.
Clay, le noir, en est le nocher, condamné lui aussi à errer jusqu’au jour où il sera délivré par l’amour : la Senta de ce Daland noir est blanche et de leur rencontre dépendra, un instant, la rédemption du jeune homme. Cela n’aura, bien sûr, pas de suite. Le petit-bourgeois noir va singer les blancs, très mal, devant une fausse intellectuelle blanche, qui singera les noirs plus mal encore. En s’inversant, l’incompatibilité s’aggravera et, mettant fin au simulacre, Clay redeviendra un noir à part entière pour choisir la révolte.
Adaptation cinématographique [modifier]

La pièce a été adaptée au cinéma, en 1967, sous le titre Dutchman, dans une réalisation d’Anthony Harvey sur un scénario de LeRoi Jones, avec Shirley Knight et Al Freeman Jr. dans les rôles principaux. Shirley Knight a été récompensée, lors de la Mostra de Venise 1967, par la coupe Volpi d’interprétation féminine.

Le film, tourné en anglais avec des capitaux britanniques, n’a semble-t-il jamais été distribué dans une version française.

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