Franz Hessel, le flâneur de Berlin. (2/3)

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                          Franz Hessel

La vie de Franz Hessel est à l’image de son temps : un tourbillon pathétique (10) ou s’unissent étroitement les images du Paris d’avant-guerre et du Berlin des années vingt. Né le 21 novembre 1880, au sein de la grande bourgeoisie juive, à Stettin en Poméranie, il y passa ses huit premières années. Son père, Heinrich Hessel, négociant en céréales, avait édifié une fortune relativement importante. Les expériences de cette enfance se retrouvent dans son roman Der Kramladen des Glücks (Le Petit Bazar du bonheur) et le héros, Gustav Behrendt n’est pas sans évoquer Franz lui même. La famille s’établit à Berlin à partir de 1889, dans la Genthiner Strasse, puis sur le Kurfürstendam. Son père était entre temps devenu banquier. La mère de Franz, née Fanny Kaatz, était originaire de Poznan (Posen). Franz Hessel avait deux frères et une soeur. L’aîné des garçons, Alfred, devint Privat-Dozent à l’université de Strasbourg puis professeur titulaire et bibliothécaire à l’université de Göttingen. Il mourut au début de la Seconde Guerre mondiale. Anna, premier enfant à naître, mourut jeune, à la naissance de son second enfant. Quant à Hanns, le frère cadet, il devint banquier et survécut à la guerre, grâce à sa femme qui n’était pas juive et put lui éviter sinon l’internement du moins la déportation (11).

Comme pour Benjamin, l’enfance demeura aux yeux de Hessel un paradis de sécurité bourgeoise dont il se souviendra avec mélancolie. C’est en elle que s’enracinent son goût pour le rêve, une certaine distance à l’égard de l’engagement qu’on exige habituellement de l’adulte, un sentiment de liberté infinie et ce mélange d’innocence, de naïveté si souvent évoqué par ceux qui fréquentèrent Hessel. C’est aussi dès l’enfance qu’il découvre l’antisémitisme, lorsque, comme Ernst Toller, des enfants le traitent d’un « mot méchant » : « juif…! »

Le sentiment d’une appartenance au judaïsme ne semble pas avoir joué un rôle dans cette famille profondément assimilée à la culture allemande. Sauf peut-être une certaine atmosphère, et l’évocation de l’appartement de la grand-mère rappelle irrésistiblement certains fragments d’Enfance Berlinoise de Benjamin (12).

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                         Franziska zu Reventlow « Die Gräfin »

Après des études secondaires au Joachimsthaler Gymnasium qu’il termina en 1899, Franz s’inscrivit à l’université de Fribourg où il choisit curieusement d’étudier le droit. Dès cette époque, il écrit des poèmes, publiés plus tard à Munich où il s’installe, l’hiver 1900-1901, délaissant bien vite l’étude du droit, qui ne l’intéressait aucunement, pour l’archéologie (13) et la philosophie. Il se mêle à la bohème de  Schwabing, le quartier artistique de Munich, et entre en contact avec le cercle de Stefan George. Il lui emprunte sa passion pour la forme poétique parfaite, récite ses propres poèmes avec la diction très particulière (insistance sur les syllabes et non le sens) qu’exige le maître. Il se lie très vite avec des écrivains et des peintres proches de Stefan George, Karl Wolfskehl et la célèbre comtesse Franziska zu Reventlow. Il l’évoquera dans un article publié en 1926, dans la Literarische Welt, « Die Gräfin » (la Comtesse), à l’occasion de l’édition posthume de ses oeuvres complètes. Plusieurs personnalités qu’il rencontre alors, autour du cercle de Stefan George (14), marqueront aussi Walter Benjamin lorsqu’il étudiera à Munich, pendant la guerre de 1914. Toutefois Hessel ne se liera jamais très étroitement avec les autres membres de ce cercle en dehors de Karl Wolfskehl (15) à qui il fera lire ses premiers poèmes. Hessel prit sans doute part à toutes les activités de la bohème de Schwabing, à leurs carnavals, à leurs bals masqués, tels que les évoquent les romans de la comtesse zu Reventlow (16). Il compta parmi ses admirateurs et l’étrange relation qu’il entretint avec elle préfigure celles qu’il aura avec la plupart des autres femmes : il devient leur confident, les aime et les admire à distance, préférant le rôle d’ami à celui d’amant, de consolateur à celui de conquérant (17). Il acceptera de vivre auprès de la comtesse, de son amant, et de plusieurs de ses amis, contribuant largement au financement de la communauté, qui constituait l’état-major de la bohème munichoise (18).

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                                             Stefan George -1910

Bientôt, ils partirent en Italie pour Forte dei Marmi. Hessel reconnut d’abord les lieux à bicyclette. Ils revinrent à la mi-octobre 1904 à Munich. Mais il abandonna la communauté, séjourna chez sa mère à Berlin et vint à Paris.

La capitale le séduit immédiatement et il ne peut s’en arracher. Il loge alors à Montmartre dans un hôtel situé face au Bateau-Lavoir. Il y retrouve A.H. Schmitz, familier du cercle de Schwabing et bientôt tous deux s’installent à l’Isle-Adam. Hessel travaille à un recueil de nouvelles sur Schwabing. C’est alors qu’il rencontre Henri-Pierre Roché (19) auquel va le lier une profonde amitié. Hessel habite ensuite à Montparnasse. Ils se fréquentent quotidiennement, s’initient mutuellement à leurs cultures respectives (20), passionnés d’art et de littérature. Hessel lui parle des femmes qu’il a connues à Munich, lui montre leurs photos. Les extraits du journal inédit de H.-P. Roché, que cite Karin Grund, permettent d’entrevoir la genèse de Jules et Jim . Roché est frappé par l’étrange rapport que Hessel entretient avec les femmes, si différent de son propre don juanisme. Roché est avide de conquêtes, Hessel noue avec les femmes des relations de confiance et de confidence. Aussi n’y a-t-il entre eux aucune rivalité. Au don juanisme de Roché s’oppose la gentillesse, la poésie de Hessel, et tous deux, aiment à leur façon, Marie Laurencin.

Ensemble, ils sillonnent la France et l’Allemagne. A Munich où ils séjournent en avril 1907, Hessel présente Roché à son amie de Schwabing, Luise Bücking (21) ainsi qu’à la comtesse zu Reventlow (22). Ils passeront l’été 1907 dans la maison de Luise, à Marburg, et l’hiver à Berlin, chez la mère de Hessel, avant de revenir à Paris au début de 1908, avec Luise Bücking. Ils entreprendront encore beaucoup d’autres voyages, en Italie (1909) et en Grèce (1911) notamment.

Hessel s’est lié avec beaucoup d’écrivains et d’artistes allemands qui fréquentaient le Dôme (23). Par Roché, il fit la connaissance d’ un certain nombre de poètes français (24), dont Paul Fort, André Salmon (25). A la Closerie des Lilas, il rencontre J. Moréas, Jules Romains et André Gide. L’atmosphère de l’époque est dominée par les discussions sur l’art moderne qui tiennent en haleine, des nuits entières, peintres et poètes de Montmartre ou de Montparnasse. André Salmon habite au Bateau-Lavoir. Il fréquente Picasso (qui demeure à Montmartre), Guillaume Appolinaire, Max Jacob. Aussi, Hessel fut-il parmi les premiers à découvrir le génie de Picasso. A l’automne 1912, il fit la connaissance de deux jeunes peintres berlinoises, Augusta von Zitzewitz et Helen Grund, élèves de Käte Kollwitz. Il se fiança presque immédiatement à Helen Grund (26) – la mettant à l’abri du don juanisme de Jim par ces simples mots  » Non, pas celle-là  » – et décida de l’épouser. Ils quittèrent Paris au printemps 1913 pour l’Allemagne et se fixèrent à Blankensee, non loin de Berlin.

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      Helen Grund – Photos de Man Ray

 En juillet 1914, Helen et Franz retournèrent à Berlin. Ils vécurent dans un appartement proche du Tiergarten puis voyagèrent en Suisse. La vie du couple semblait déjà en crise et ce sont les confidences de Kathe à Jim, qui permettent de deviner les tensions qui existaient alors. Helen attendait un enfant, Ulrich, qu’elle mit au monde en Suisse avec difficultés (27). Franz, sans doute toujours perdu dans sa contemplation, étranger au quotidien, mentionne dans une lettre à Thankmar von Münchhausen la crise de leurs états d’âme (28).

Lorsque la guerre éclate, il décide de rentrer en Allemagne. Sa femme reste à Genève. Comme l’a si admirablement décrit Stefan Zweig dans ses mémoires Le Monde d’hier, c’est tout un univers qui s’effondre. Le traumatisme est d’autant plus difficile à supporter pour Hessel que Paris était devenu sa seconde patrie. Sa sensibilité était inséparable de la culture française, les discussions de Montmartre et de Montparnasse. Son admiration pour cette époque, où des intellectuels de toutes nationalités se sentaient unis par des passions communes, culminera dans son beau récit Pariser Romanze (Romance parisienne) (29). Et c’est la mort dans l’âme qu’il verra plusieurs de ses anciens amis parisiens comme Paul Fort, écrire désormais des poèmes et des chants de haine « contre les Boches « . Les attitudes d’Emile Verhaeren et d’Ernst Lissauer sont, de part et d’autre, caractéristiques.

Il fut affecté au Landsturm, à Strasbourg où il creuse des tranchées. Refusant l’enthousiasme guerrier auquel cédèrent passagèrement ou durablement ses amis allemands ou français, il tomba rapidement malade. On l’affecta à la censure des correspondances franco-allemandes. En novembre 1914, il se rendit à Berlin, en permission, et y retrouva sa femme. Ses relations avec ses amis parisiens, y compris H.-P. Roché, étaient interrompues. Envoyé à l’est au début de l’année 1915, non loin de la frontière polonaise, dans une caserne située au bord de la Vistule, il travaillera comme surveillant dans un hôpital, puis comme vaguemestre. Il souffre de plus en plus de cette vie monotone et abrutissante. Helen lui rendra visite et leurs relations sembleront s’améliorer. Mais après son départ, il souffrira encore plus de la solitude, de sa nostalgie des amis parisiens. C’est dans cette douleur que naquit Pariser Romanze. A travers quatre lettres écrites à un ami, il fait revivre ses souvenirs de la bohème de Montparnasse et du Paris d’avant-guerre. Cri de révolte contre l’absurdité de la guerre, son inhumanité, ces lettres forment autant de poèmes de tendresse, de refus des frontières hérissées :

 «   Comment puis-je vivre et assister à l’agonie sanglante de mes sem-
blables pour des idoles qui n’ont plus des noms de dieux, mais que
l’on peut seulement désigner par des mots scientifiques aux conson-
nances étrangères? Ces morts sont un péché et tout ce sang répandu
une injustice criante[...] Maintenant que les réalisations et les entre-
prises des nations jouent à la guerre mondiale ensemble, nous tour-
nons des manivelles, actionnons des systèmes d’aération, appuyons
sur des boutons et crachons la mort par mille canons et circonvolu-
tions. Et chaque coup touche en fait celui qui l’a tiré (30). »

Fin mai 1915, Hessel revient à Berlin. Ebranlé par la guerre, il s’enferme dans sa solitude. sa relation avec Helen se détériore (31), bien qu’un second garçon, Stéphane, soit né à l’automne 1917 (32). En 1918, il obtient un emploi aux archives de presse de Berlin. Momentanément dégagé de ses obligations, il travaille à la rédaction de Pariser Romanze.

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 Il accueillera la proclamation de la République de Weimar sans illusion. Le monde qu’il aimait a disparu. Il se réfugie dans ses souvenirs, une certaine attitude contemplative qu’il ne quittera plus, s’efforçant de limiter ses rapports avec la réalité. Ceux qui le rencontrent à l’époque évoquent avec surprise cet étrange Bouddha souriant. Il entreprend des démarches pour trouver un poste de lecteur dans une maison d’édition car ses revenus financiers ont considérablement diminué. Helen, comme le raconte Jules et Jim, avait entre-temps quitté son mari et ses deux enfants pour travailler chez des propriétaires terriens de Poznan comme fille de ferme (33). Hessel, lui, vit à Hohenschäftlarn, petit village de la vallée de l’Isar, non loin de Munich, avec leurs enfants. Apprenant le grec et le latin, il s’entraîne à retraduire L’Iliade et se passionne pour Hölderlin. Ainsi s’affirme ce style d’existence monacale (34) qui frappe tous ceux qui le rencontrent. Au début 1920, Helen revient. Leur vie avait perdu toute intimité, comme le mentionne H.-P. Roché dans Jules et Jim . Pourtant il se sent heureux. Pariser Romanzea enfin trouvé un éditeur : Ernst Rowohlt. La critique accueillera chaleureusement le livre et au mois d’août Henri-Pierre Roché lui rend visite, après sept ans d’éloignement leur amitié était toujours aussi intense. Leurs journées se passent à discuter, à travailler ou prendre des bains de soleil, nus dans le jardin. Roché a consigné aussi dans son journal l’épisode dramatique de sa relation à Helen, la tentative de mariage, et Helen elle-même a tenu un journal qu’elle offrit à Roché. Ainsi naquit l’idée d’écrire, à partir de ce double journal, un roman qui raconterait leur histoire à trois (35). Hessel regagne ensuite Berlin, rejoint par Helen, tandis que Roché revient à Paris. Après l’orage, Helen et Franz reprennent la vie commune, à l’automne 1921.

L’inflation avait fait disparaître l’héritage paternel. La vie bohème à laquelle Franz était si attaché n’était plus possible et il dut songer à tirer profit de ses dons littéraires. L’éditeur Rowohlt l’engagea comme lecteur. Hessel le persuada de publier toute La Comédie humainede Balzac, malgré la situation monétaire et l’augmentation exorbitante des coûts d’impression. Cette édition – en quarante-quatre volumes – sera pourtant un succès. Si la traduction fut effectuée par plusieurs personnes (36), Hessel assura la tâche de rédacteur et traduisit certains volumes. L’amitié entre l’éditeur et son lecteur ne se démentit pas à travers les années, en dépit de tout ce qui les opposait (37). Qu’il suffise d’imaginer l’énorme Rowohlt, grand amateur de bonne chère et de cigares, serrant dans ses bras un Franz Hessel, plutôt petit de taille, rond, extraordinairement doux, le hissant à sa hauteur pour embrasser son célèbre crâne chauve, comme le raconte Ernst von Salomon.

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                                Ernst Rowohlt

Admirable traducteur, Hessel était aussi un écrivain d’une finesse rare, et un remarquable connaisseur de la langue française. Avec Ignaz Jezower, il traduisit les Mémoires de Casanova (38), mais encore Stendhal, Baudelaire, Proust, Yvette Guilbert, Marcel Arland, Julien Green, Jules Romains et même Albert Cohen, auteur avec lequel on pourrait lui découvrir certaines affinités. Ce travail intense aux éditions Rowohlt ne diminua en rien sa production littéraire. En 1922 paraît Von den Irrtümern der Liebenden (Des erreurs des amoureux). Sieben Dialogue (Sept dialogues) sera publié l’année suivante et, en 1925, le poème dramatique Die Witwe von Ephesos (La Veuve d’Ephèse). Teigwaren Leicht gefärbt (Pâtes légèrement colorées) parut en 1926, le roman Heimliches Berlin(Berlin secret) en 1927 et Nachfeier (Lendemain de fête), Spazieren in Berlin (Promenades dans Berlin) en 1929. Il publia encore en 1931 un texte sur Marlene Dietrich et en 1933 le recueil d’essais Ermunterungen zum Genuss (Exhortation au plaisir). Si l’on ajoute à ces volumes les recensions, les essais, les petits textes en prose qu’il publie dans Das Tagebuch et Die Literarische Welt, on ne peut que souligner l’extrême productivité de ces années.

Lorsque le célèbre Tagebuch, édité par Stefan Grosmann et Leopold Schwarzschild, ne fut plus publié par Ernst Rowohlt, celui-ci accepta de réaliser un projet cher à Hessel, la création d’une revue Vers und Prosa, inspirée de celle de Paul Fort (39). Hessel, qui codirigeait le Tagebuchen assurerait la rédaction littéraire (40) et rédigea le programme. Elle devait être entièrement consacrée à la création (littérature, poésie, théâtre), ouverte aussi bien aux auteurs célèbres qu’inconnus. Ainsi publiera-t-il R.M. Rilke, Hermann Hesse et Ina Seidel. Cette revue – qui préfigure celle que voulut créer Walter Benjamin, l’Angelus Novus - ne parut qu’un an (de janvier à décembre 1924). Désirant développer la critique littéraire, Ernst Rowohlt songea immédiatement à créer un équivalent allemand des Nouvelles Littéraires  (41). Parmi ses collaborateurs, il comptait de remarquables critiques : Franz Hessel, mais aussi Sigismund von Radecki, Walter von Kiaulehn, Alfred Polgar et même Walter Benjamin. Ainsi naquit en 1924-1925, l’hebdomadaire Die Literarische Welt (Le Monde littéraire) dirigé par Willy Haas (42).

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                                     Christopher Isherwood

En dépit du travail de Franz, la famille vit avec peu de ressources. Comme beaucoup de Berlinois, ils sont contraints de louer plusieurs pièces de leur appartement à des étrangers, thème évoqué par Hessel dans Promenades dans Berlin et Berlin secret, auquel Christopher Isherwood consacre certaines des plus belles pages de son Goodbye to Berlin . Helen Hessel contribue largement aux revenus de la famille. Franz, tel que le décrit Charlotte Wolff dans ses Mémoires, où l’on trouve aussi de remarquables portraits de Walter Benjamin, s’est réfugié dans une sorte d’exil intérieur et vit comme un sous-locataire dans son propre appartement:

« La bonne m’introduit dans une pièce minuscule, où il était assis
dans une chaise de bois derrière une grande table. Il y avait un lit près
de la fenêtre et une autre chaise de bois près de la porte. Je m’y assis et
je regardais son visage de Bouddha, avec ses grands yeux très écartés, sa
grande bouche et son sourire bienveillant et amusé. Son comporte-
ment empreint de timidité et de gentillesse, n’avait rien de germani-
que et je sus immédiatement qu’il était né pour écouter et pour consoler. (43) »

Cette situation, évoquée par H.-P. Roché dans Jules et Jim, est très proche de celle que décrit Charlotte Wolff. Elle affirme qu’il avait même demandé à sa femme de pouvoir vivre dans la chambre de bonne, la pièce qu’il préférait. Helen Hessel souligne aussi son amour pour la pauvreté, son incapacité à supporter le luxe (44). Et il est vrai  que toute sa vie, Franz Hessel fut d’une étrange générosité. Tous ceux qui l’ont connu soulignent l’impression de gentillesse extrême, de bonté qui émanait de sa personne, à tel point qu’Alfred Polgar affirme que si Hessel avait été son ennemi, il l’aurait aimé car on ne pouvait imaginer qu’un tel homme puisse avoir un seul ennemi. Cette bonté irradiante, ce sens de l’ironie, cette tendresse, on les retrouve à chaque ligne du portrait de Jules par Henri-Pierre Roché : Franz -comme Jules – semble perpétuellement vivre un rêve et rêver sa vie. Sa femme Helen, restera à jamais celle dont les lèvres portent l’empreinte de ce sourire grec archaïque, contemplé sur une statue. Toute sa vie, il s’entourera d’êtres étranges, célèbres ou insignifiants, qui avaient en commun de l’avoir touché ou fait rêver (45).

Ce fut sans doute Charlotte Wolff qui présenta Benjamin à Hessel et leur traduction commune de Baudelaire paru dans Vers und Prosa . Hessel persuada Rowohlt de publier la thèse de Benjamin sur le drame baroque allemand. Benjamin allait aussi mettre en relation Hessel avec Ernst Bloch, Ernst Schoen et Siegfried Kracauer. Comme tous ceux qui approchèrent Hessel, Benjamin éprouvait à son égard un mélange d’admiration et de fascination (46).

Jean-Michel PALMIER.

(10) Nous avons emprunté l’essentiel de ces données biographiques aux romans de Franz Hessel. Un certain nombre de précisions sont reprises de l’étude de Karin Grund, à qui revient le mérite de les avoir rassemblées. La patience et la méticulosité de son  travail ne sauraient assez être soulignées. Cf. aussi la post-face de Bernd Wittte au volume de Franz Hessel, Ermunterung zum Genuss, Berlin, 1981. Enfin, les deux fils de Franz Hessel, Ulrich et Stéphane, nous ont apporté leur aide pour éclaircir différents aspects de sa vie et ont accepté de relire cette préface, en nous permettant notamment de confronter l’histoire de Jules et Jim  à la réalité qu’ils vécurent. Notre reconnaissance à leur égard est sans limites.
(11) Le frère ainé de Franz Hessel épousa la soeur de Helen Hessel. (Communication orale de Stéphane Hessel).
(12) Bien que cette grand-mère soit demeurée attachée à la tradition juive orthodoxe. Ulrich Hessel se souvient que sa mère évoquait l’invisibilité de la mère de Franz le jour de Yom Kippour. Partisan de l’assimilation, Heinrich Hessel fit baptiser ses enfants et les envoya au catéchisme. Sur les analogies entre l’univers de Benjamin et Hessel. Cf. Der Kramladen des Glücks (op. cit, p. 42) et le texte d’Enfance berlinoise, 12, Blumeshof (op.cit.,p.66). Le rapport de Hessel au judaïsme fut toujours assez contradictoire et il sera profondément influencé par le christianisme. Comme tant d’intellectuels d’origine juive de son époque, Hessel était déchiré par les exigences inconciliables : la foi dans l’assimilation à la culture allemande, dont il se sentira pourtant rejeté en tant que juif, la volonté de se rapprocher de la tradition juive qui lui apparaissait néanmoins comme étrangère. Gerhard Scholem a admirablement décrit ces conflits dans son autobiographie De Berlin à Jérusalem(Albin Michel, 1984). Chez les Hessel aussi, on fêtait Noël. L’assimilation constituait pour le père de Hessel le prolongement de l’émancipation. Il semble que Hessel ait pris seulement conscience de son origine juive, avec la venue des nazis au pouvoir. Encore ironisera-t-il en déclarant qu’il était un chrétien non-aryen, s’inscrivant dans une lignée dont le Christ fut le fondateur. Les fils de Franz Hessel considéreront que leur famille était protestante.
(13) Il s’intéresse en particulier à l’égyptologie et étudie les hiéroglyphes. Benjamin, quant à lui, suivra à Munich, avec R.M. Rilke, un séminaire sur les Aztèques et envisagera même d’apprendre leur langue. Cf. Der Kramladen des Glücks (op. cit.,p. 176) et G. Scholem, Walter Benjamin, Histoire d’une amitié, Calmann-Lévy, 1981, p.46.
(14) Le cercle de Stefan George s’était constitué autour de 1895 et groupait autour de la revue Blätter für die Kunst des personnalités très diverses, certaines d’origine juive. Parmi les plus célèbres disciples, il faut citer Karl Wolfskehl, Friedrich Gundolf, Ludwig Klages et Alfred Schuler. Si Karl Wolfskehl demeurera toujours un disciple du maître, Klages et Schuler développeront leurs propres cercles. Ils exerceront une influence profonde sur la génération munichoise. Benjamin fréquentera, comme Rilke, le cercle de Schuler et nourrira pour Klages une admiration durable, jusqu’au début des années trente, bien qu’il ait connu très tôt son antisémitisme. C’est cet antisémitisme qui séparera souvent les partisans de Klages et de George. Le cercle éclata en 1904 à la suite d’une dispute entre Klages et Schuler d’une part, George et Wolfskehl d’autre part.
(15) Karl Wolfskehl émigra après 1933 en Nouvelle-Zélande. Hessel, après la mort de son père reporta sur lui une large part de son affection.
(17) Cette attitude de Hessel est au coeur de Jules et Jim. Peut-être exagérées, certaines phrases d’H.-P. Roché la caractérisent très exactement :  » Jules était un ami délicieux, mais un amant ou mari sans consistance  » remarque Jim (op.cit., p.18). Et Gertrude s’écrie : « Qu’il est charmant notre Jules [...]. Il comprend les femmes mieux qu’aucun homme que je connaisse, et pourtant, quand il s’agit de nous prendre [...] il nous aime trop et pas assez.  » (ibid., p.20). Quant à Jules, il dit de Magda :  » Elle est à la fois ma jeune mère et ma fille attentive  » (ibid., p.39).
(18) Cf. Karin Grund, op. cit. p. 22, qui a reconstitué en détail cette étrange communauté.
(19) Né en 1879, il mena, semble-t-il, une vie de dilettante, passionné par les voyages, la poésie et la peinture. Peintre lui-même, il permit la rencontre de Picasso et de Gertrude Stein. Roché était ami d’Albert Dreyfus, originaire de Vienne, que fréquentait aussi Hessel et fut très lié avec Marcel Duchamp.
(20) « Jules et Jim se virent tous les jours. Chacun enseignait à l’autre, jusque tard dans la nuit, sa langue et sa littérature. Ils se montraient leurs poèmes, et ils traduisaient ensemble  » (op.cit., p.11).  » Roché était fasciné par la  culture allemande et je ne sais pas dans quelles circonstances exactes, il fit la connaissance de mon père. Dès 1913, ils étaient déjà très amis. Mon père a trouvé à travers Roché l’ouverture vers la culture française. Pourquoi s’est-il autant lié avec Roché ? Je  ne saurais le dire. Roché n’avait pas grand-chose à chercher chez Franz si ce n’est sa personnalité. Il y avait leur étrange relation avec les femmes. Roché était peut-être ce que mon père, un moment, avait rêvé d’être, sinon un Don Juan, du moins un homme qui séduisait les femmes par son physique. Mon père n’était pas un conquérant. Roché était extrêmement séduisant. Je garde le souvenir d’un homme perspicace, intelligent, sensible, qu’on n’oublie pas. Il aurait pu être un grand écrivain. Sympathique ? Plus ou moins. Il avait un côté très anglo-saxon, aimait le golf, le cheval. [...].
(21) Roché la nomme dans son journal  » Gisèle « . Luise Bücking était étudiante en art et apparaît dans Jules et Jimsous le nom de  » Lucie « . Le journal d’ Henri-Pierre Roché est, pour l’instant, inaccessible. Karin Grund eut la chance de pouvoir le consulter par l’intermédiaire de François Truffaut.
(22) « Fabia  » dans le Journal de Roché, elle deviendra la maîtresse de Roché.
(23) « Jim introduisit Jules dans les cafés littéraires où fréquentaient des célébrités. Jules y fut apprécié et Jim en fut content ( op.cit., p.12). participèrent à ces rencontres Walter Bondy, Rudolf Levy, Erich Klossowski, Wilhelm Uhde, Paul Stern, Franz Düllberg, K. Wolfskehl, la comtesse zu Reventlow, Jules Pascin, Friedrich Sieburg, Thankmar von Münchhausen. Ce dernier sera aussi lié avec Walter Benjamin et son nom apparaît un certain nombre de fois dans sa Correspondance.
(24) Les meilleures évocations de ces années sont les souvenirs d’André Salmon qui a admirablement restitué cette époque dans son autobiographie Souvenir sans fin( 2 vol, Gallimard, 1955). Il était lié avec H.-P. Roché. Sur les discussions concernant les peintres de Montparnasse, voir aussi A. Salmon, Montparnasse (André Bonne, 1950). On trouve aussi d’intéressantes évocations de ces années dans Paul Fort, Mes Mémoires, Toute la vie d’un poète 1872-1944 (Flammarion, 1944) et Francis Carco, Bohème d’artiste(Albin Michel, 1950). Parmi les écrivains qui fréquentaient cette bohème, on trouve Paul Fort, Léon-Paul Fargue, G. Appolinaire, J. Moréas, Pierre Louys, Paul Claudel, Maurice Barrès, Emile Verhaeren, André Gide, Arthur Cravan, Max Jacob, Blaise Cendrars, et R.M. Rilke. La tradition des peintres de Montparnasse remonte sans doute à Kiesling et Gauguin. Par la suite, on y rencontre Matisse, Van Dongen, Friesz, Picasso, Soutine, Chagall, Pascin, Modigliani, Diego Rivera, R. Levy, W. Bondy, Marie Wassilieff.
(25) Hessel traduisit son premier roman Tendres Canailles sans parvenir à le faire éditer.
(26) Helen avait étudié la peinture par goût. Elle n’exposa jamais, même si elle continua à dessiner et garda un sens artistique très sûr. A la fin de sa vie, elle vécut avec la soeur du peintre Wilhelm Uhde. Franz  fit sa connaissance en 1912 au café du Dôme. C’était une très belle femme aux longs cheveux blonds (elle se les fit couper à l’époque de la mode de   »la garçonne »), très exubérante et au tempérament passionné. Née en 1886 au sein d’une famille bourgeoise et protestante, elle était fille d’un banquier, peintre et musicien à ses moments perdus. La famille de sa mère était d’origine suisse car son grand-père maternel, chassé d’Allemagne à la suite de la révolution de 1848, s’était réfugié à Zürich où il avait acquis des domaines.  » Ma mère était vigoureusement anticonformiste, elle rejetait la morale bourgeoise mais à l’intérieur de cet anticonformisme, elle réussit à trouver sinon une morale, du moins une éthique très rigoureuse. Mon père au contraire, même s’il était capable de travailler avec acharnement – je le revois dans sa  pièce enfumée, y demeurant toute la journée – était un pur bohème. » (Communication de Ulrich Hessel).  » Je la considérais comme une demi-déesse. C’était quelqu’un de très brillant, d’exigeant, de volontaire, d’un peu autoritaire avec beaucoup d’ambitions littéraires. Elle avait un très beau style. Mais elle a préféré se sacrifier pour élever ses enfants et devenir une très consciencieuse journaliste, soutenant matériellement la famille. Elle avait beaucoup d’admiration pour mon père et devait aussi considérer qu’il était un être pas tout à fait responsable. Le personnage littéraire qu’elle a inspiré à Roché n’est pas exagéré quant au caractère et au charme physique. » (Communication de Stéphane Hessel).
(27) Ulrich Hessel naquit le 27 juillet 1914. Helen demeura à Genève où vivait sa soeur, alors infirmière, jusqu’en octobre par suite de cette naissance difficile.
(28)  Cité par Karin Grund, op. cit., p. 38.
(32) Le portrait que fait H.-P. Roché de l’évolution des relations de Franz et Helen semble assez exact confronté au témoignage de ses fils. Même mariés, il régnait entre eux une totale liberté. Au moment de lui donner son anneau de mariage, Franz lui dit: « Je te donne cet anneau de mariage comme symbole de ta liberté. » Il n’exigea jamais d’elle la fidélité conjugale. Il l’aimait libre, indépendante, fidèle à elle-même et ne voulait pas intervenir dans sa vie. Il n’éprouvait aucune jalousie. Mais elle sembla s’accommoder assez mal de ce style d’amour, souhaitant sans doute un mari plus passionné  » remarque Ulrich Hessel. « Quand ils se sont rencontrés, mon père était un jeune homme fortuné, aimant la vie, les femmes sans tomber dans le libertinage. Il a vu en ma mère une femme très exceptionnelle, qu’il a sans doute un peu mythifiée et infantilisée. Ce qui me frappe beaucoup dans Pariser Romanze, c’est qu’il la décrit comme une très jeune fille. Elle admirait sa culture, son ouverture au monde et à la liberté. Comme elle recherchait elle-même la liberté, elle lui a dit en quelque sorte :  » En m’épousant, tu me donnes la liberté ». Il a toujours su qu’il ne serait pas le seul homme de la vie de Helen. Sans doute n’a-t-il pas prévu que son meilleur ami serait la grande passion de la vie de ma mère, mais l’évolution était inévitable. Leurs relations étaient sur un tout autre plan. Dans la vie, les relations entre ces trois êtres furent, à mon sentiment, moins antagonistes que dans Jules et Jim » (Communication orale de Stéphane Hessel).
Cet épisode est largement  transposé dans Jules et Jim :  » J’eus soif d’un travail strict et exigeant, dans la nature. Je m’engageai dans un domaine agricole du Nord. Je commençai par en bas, je travaillai avec les filles de ferme. L’eau de ma cruche gelait la nuit. J’appris la culture et le bétail. Cette vie était belle. » (op.cit., p.98) On le trouve aussi évoqué dans le roman de Hessel Heimliches Berlin (Suhrkamp, 1982)
(34) « Jim comprit que Kathe accordait encore à Jules des faveurs partielles. Mais elle dérivait de plus en plus vers ailleurs. Jules renonçait peu à peu à elle, à ce qu’il avait attendu sur terre. De là l’impression moine qu’il donnait. Il n’en voulait pas à Kathe. Jim se demanda si Kathe avait épousé Jules pour son argent. Mais non, il en était sûr : pour son esprit, sa fantaisie, son bouddhisme. » (ibid., p.94).
(35) Cité d’après Karin Grund, op. cit., p. 55. Roché, avec son don juanisme exigeant, son culte de la virilité était l’opposé de Hessel.
(36) Benjamin traduisit Ursule Mirouet à la demande de Hessel.
(37) Sur Ernst Rowohlt, cf. la monographie de Paul Mayer, ami de Hessel et ancien lecteur des éditions : Ernst Rowohlt (Rowohlt, 1968). Paul Mayer rappelle que cette édition de Balzac fut non seulement une bonne affaire pour l’éditeur – il y eut une mode Balzac en Allemagne- mais que Rowohlt s’identifiait volontiers à Balzac.[...]
(38) Cf. Paul Mayer, op. cit., p. 96.
(39) Vers et prosefut créé en 1905, inspiré d’un recueil de Mallarmé qu’admirait passionnément Paul Fort. La revue fut conçue, fondée, dirigée à la Closerie des Lilasde Montparnasse. Elle souhaitait publier les meilleurs poètes et prosateurs du symbolisme. Elle accueillit principalement des poètes et des écrivains comme Laforgue, Moréas, Verhaeren, Maeterlinck, Henri de Régnier, Appolinaire, G.C. Gros, Paul Claudel, André Gide, P. Louys, Rémi de Gourmont, Maurice Barrès, Marcel Schwob, Alain-Fournier, Francis Carco, Roland Dorgelès. La revue dura quinze ans et fut reprise sous la direction de Valéry et de P. Fort en 1927. Cf.P.Fort, Mes mémoires, pp. 84 et sq.
(40) Cf. Paul Mayer, op. cit., p. 96.
(42) Sur l’histoire de la Literarische Welt, cf. Willi Haas. Die Literarische Welt. Lebenserinnerungen, Fischer, 1983.
(43) Cité par Karin Grund, p. 65. Charlotte Wolff, psychologue et théoricienne de l’homosexualité féminine, vivra plusieurs années avec Helen Hessel, rue Malebranche, sans doute fascinée par sa personnalité. Pour vivre, elle effectuait des lectures de lignes de la main avec le groupe des amis de Helen (Ravel, Breton, etc.) (Communication de Stéphane Hessel).
(44) Cité par Karin Grund, op.cit., p. 66. L’explication donnée par H.-P. Roché est assez différente :  » Kathe avait donné des réceptions grandissantes à ses amis, que Jules trouva trop fréquentes pour son travail. Il avait reculé son bureau de pièce en pièce vers les plus petites [...].
(45) Hessel fut l’ami de Bertolt Brecht, Kurt Weil et Marlene Dietrich.
(46) Ainsi Helen Hessel rapporte les propos que lui tenait Benjamin :  » Hessel est un magicien. Et dangereux qui plus est. Il faudrait couper court à ses menées. Il a le pouvoir de transformer. Mais contrairement à ses fils de roi qui, au contact de la baguette magique, devenaient pierres ou monstres hideux, il nous est réservé, par ses manigances raffinées, un sort bien pire. Nous renaissons à son contact, atteignons notre véritable identité, une identité dont la découverte nous comble de joie et nous procure un plaisir et un intérêt égal à celui qu’il trouve en nous. Et soudain, on s’aperçoit qu’on est complètement sous son charme. » (Cité par Karin Grund, op.cit.,p.70). Stéphane Hessel rencontrera une dernière fois benjamin au moment où celui-ci tentait de quitter la France, complètement désespéré. 3 J’ai connu Benjamin longtemps, mais pas très intimement. Il avait beaucoup d’admiration pour Helen et considérait mon père comme son initiateur de la flânerie. Sa relation avec ma mère était un peu curieuse. Elle le trouvait un peu négligé. Elle était très exigeante sur le physique des hommes. Elle admirait l’intelligence de benjamin mais ses manières la choquaient. Helen aimait beaucoup écrire des petits textes philosophiques. Stefan Grossmann, l’éditeur du Tagebuch en a publié certains et Benjamin les admirait beaucoup. Benjamin frappait par sa profondeur extrême. Nous considérions, étant enfants, mon père comme sage et compréhensible. Avec Benjamin nous étions toujours sûrs que quand il commençait une phrase, nous n’en comprendrions qu’une faible partie. Il se promenait dans la pièce, toujours les bras derrière le dos, disant des choses qui nous semblaient aussi importantes que peu compréhensibles. Je l’ai connu à Berlin comme petit garçon et son fils, Stefan, fut un camarade. » (Commmunication de Stéphane Hessel)

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