Les juifs et l’idéologie.
d’Henri Arvon – P.U.F. 147 p.,
Edition en 10/18 de La Question Juive de Karl Marx
Article paru dans Les Nouvelles Littéraires N° 2671 du 25 janvier au 1er février 1979
Voici un livre dont on ne saurait trop recommander la lecture et qui provoquera de nombreuses polémiques. Spécialiste de l’anarchisme et de la gauche post-hégélienne, Henri Arvon propose peut-être la première analyse rigoureuse de la « question juive » telle qu’elle a été théorisée par le marxisme mais aussi par tous les représentants du socialisme, de Bebel à nos jours. Partant de la situation des juifs en U.R.S.S., il trace une vaste fresque historique et politique qui montre comment, depuis la Révolution française jusqu’à la Révolution d’Octobre, puis à travers les écrits de Lénine, de Trotsky, de Staline, a été posé et pensé le problème de leur « assimilation « . A ceux qui brandissent l’image d’un « Marx, juif antisémite », Henri Arvon répond comme Zarathoustra au Naim : « Tais-toi, Esprit de lourdeur, tu simplifies trop les choses « . Il faut repenser l’histoire de la gauche hégélienne, les polémiques avec Bauer pour comprendre ce que signifie l’écrit de Marx sur la Question juive.
Quant à ceux qui sont convaincus que l’émancipation des juifs n’est qu’une partie du problème de l’émancipation du prolétariat, qu’elle ne présente aucune spécificité, il rappelle les hésitations de la Révolution française, comment les intentions de Lénine et de ses successeurs ont conduit à un échec. Ecrit avec la plus grande honnêteté, ce livre, d’une densité extrême, est un apport considérable à l’histoire du socialisme et aussi de la philosophie politique elle-même. Si Henri Arvon dénonce la permanence d’un antisémitisme dans les pays socialistes et chez certains théoriciens de gauche, ce n’est pas pour les discréditer, mais parce qu’il pense que c’est à la gauche elle-même de se charger de cette « nécessaire exorcisation « .
Jean-Michel PALMIER.
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