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Notes de lecture : Benjamin; correspondance 1910-1928 (Vol. 1)

BENJAMIN; Correspondance 1910-1928 (Vol. 1)
de Walter Benjamin
Traduit par Guy Petitdemange -Aubier – 440 p.,

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Article paru dans Les Nouvelles Littéraires, N°2674 du 15 au 22 février 1979.

Ce premier volume de lettres de Walter Benjamin constitue un apport d’une valeur exceptionnelle à la compréhension de son oeuvre. Une double préface de Gershom Scholem et de Theodor Adorno brosse un tableau de sa personnalité, du monde dans lequel il évolua, et retrace les principales difficultés auxquelles se heurtèrent les éditeurs pour rassembler ses lettres. Ecrites entre 1910 et 1928, elles sont adressées à des amis connus et moins connus – G. Scholem, Carla Seligson, Herbert Belmore – mais aussi à Hugo von Hofmansthal, Rainer Maria Rilke. Chez Benjamin, rien n’est gratuit ou anecdotique. Notations fines qui font songer à tel ou tel commentaire ultérieur, comme à celui de l’Angelus Novus de Klee, à ces pages d‘Enfance berlinoise où il évoque son rapport si complexe à la ville, aux objets et aux rêves. A qui le comparer ? Parfois à Proust, mais souvent à Kafka. Il y a dans chaque lettre de Benjamin, une beauté, une profondeur qui bouleversent. Romantisme, expressionnisme, passion de la vie et désespoir se confondent dans cette sensibilité exacerbée unie à une culture immense, à une délicatesse extrême, à une obsession constante de la solitude.

Qu’il raconte une promenade en montagne, sa réaction à la lecture d’un livre, à la vue d’une toile cubiste, Benjamin est là tout entier, dans ce regard, ce goût du rêve, cette élégance parfois maladroite, parfois un peu précieuse. La moindre chose le touche, le blesse, le fait souffrir. Un malentendu semble-t-il se glisser entre son correspondant et lui, il n’a de cesse de tout expliciter en se déchirant encore. Adorno parle de « névrose créatrice « . Peut-être,  au sens où on peut le dire aussi du Journal de Kafka ou des lettres à Miléna. Ce qu’ils ont en commun c’est que chaque chose exige d’être élucidée ou compliquée (les deux en même temps, le plus souvent), et que tout devient prétexte à une expérience métaphysique.

En lisant ce volume,  on éprouve une étrange nostalgie : qui donc aijourd’hui serait capable d’écrire de telles lettres ? A qui même aurait on envie d’en écrire de semblables ?

Jean-Michel PALMIER

P.S : Supplions l’éditeur de ne pas sacrifier l’index général, indispensable, qui figure à la fin du second tome dans l’édition allemande.

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