Henri Lefebvre
Vol.4 : » Les contradictions de l’Etat moderne » de Henri Lefebvre 10/18, 467 p;,
Article paru dans Les Nouvelles Littéraires N° 2635 du 11 au 18 mai 1978.
Avec ce quatrième volume, Henri Lefebvre achève son projet : développer une théorie marxiste de l’Etat à partir des textes fondamentaux de Marx, en suivre les péripéties et les déformations jusqu’à nos jours, monter l’importance de l’Etat à l’échelle mondiale en dégageant l’existence d’un mode de production étatique propre aux sociétés modernes et enfin tracer un bilan des possibilités de luttes, d’analyses, de remises en question qu’impose cette domination étatique.
Cette analyse de l’Etat qu’effectue Lefebvre n’implique ni plus ni moins qu’une redéfinition des concepts fondamentaux, de l’analyse marxiste, la confrontation permanente du marxisme et des données sociologiques de Marx, Lénine, Staline, Trotsky, mais aussi de Hegel et de Nietzsche.
Au terme de ce voyage entre les concepts et les réalités, quel bilan tirer ? Lefebvre se méfie de toute doctrine qui sanctifierait l’Etat, éteindrait ses pouvoirs. L’Etat comme le « divin sur la terre » – cette thèse hégélienne est aussi éloignée de sa pensée que l’idée d’une abolition totale revendiquée par l’anarchisme.
L’Etat « le plus froid des monstres froids » comme l’affirmait Nietzsche ? sans doute, Mais aussi une réalité quotidienne, omniprésente. Sans doute, Max Stirner pensait-il pouvoir triompher de l’Etat, du monstre sanctifié par Hegel, mais c’est parce qu’il ne le surmontait, comme l’a montré Marx dans la Sainte Famille, qu’en idée. Lefebvre ne croit pas à une victoire possible en ce sens sur l’Etat, surtout pas au niveau d’une théorie. Il s’agit seulement de soulever quelques écailles du monstre, c’est à dire souligner sa fragilité, ses brèches, ses incohérences et ses contradictions.
L’importance du livre de Lefebvre tient à ce qu’à partir de cette analyse de l’Etat, il montre la nécessité de forger de nouveaux concepts – tels ceux qui doivent désigner la manière dont nous vivons et produisons l’espace -, de repenser les formes de luttes et la définition même du socialisme.
Tout cela, Lefebvre l’explique admirablement, avec la richesse, l’intelligence, la générosité qui caractérise tous ses écrits.
Jean-Michel PALMIER.
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