Dada à Cologne : Max Ernst et Johannes Theodor Baargeld
Max Ernst, dessin pour la revue Die Schammade, Cologne -1920 -
A l’origine du mouvement Dada à Cologne, il y a d’abord la profonde amitié qui unit Hans Arp et Max Ernst. Ils exposent ensemble depuis 1910 et sont marqués par l’Expressionnisme. Alors qu’Arp se réfugie en Suisse, Ernst est blessé puis libéré. Après la guerre, il rencontre Johannes Théodor Baargeld à Cologne, tandis qu’Arp le met au courant des manifestations dada à Zurich.
Lorsqu’en 1919, Baargeld fonde la revue Der Ventilator, c’est l’occupation de la Rhénanie. Sans vouloir mêler, comme les dadaïstes berlinois, la provocation et la politique, il est plus politisé que la plupart d’entre eux. S’en prenant à tous les pouvoirs régnants, il fonde le parti communiste de Rhénanie, tout en maintenant une relative séparation de l’art et de la politique. Rapidement, sa revue (Max Ernst y collabore), vendue dans les rues et aux portes des usines atteint un tirage de vingt mille exemplaires et inquiète les forces d’occupation britanniques qui l’interdisent. En février 1920 est lancée Die Schammade, financée par le père de Baargeld, heureux de voir son fils évoluer du communisme au dadaïsme. La revue comptera parmi ses collaborateurs Arp, Ernst, mais aussi Aragon, Eluard et Breton. Aragon a d’ailleurs déjà collaboré au dernier numéro deDada à Zurich en 1918-1919. On y trouve des textes en allemand et en français de Ribemont – Dessaignes, Picabia, Ernst, Tzara, Arp, Eluard, Huelsenbeck, Breton, Aragon accompagnés de reproductions d’oeuvres d’Ernst, Picabia, Baargeld.
Ce sont Arp, Ernst et Baargeld qui vont constituer le véritable noyau du mouvement Dada à Cologne. Par opposition au caractère violent et agressif du dadaïsme berlinois, ils feront plus volontiers appel à l’imaginaire, à l’inconscient et à l’onirisme. Arp assemble des formes et des couleurs par le simple jeu du hasard, s’entraîne à reproduire chaque jour les mêmes dessins. Baargeld et Ernst peignent une même toile sans se communiquer leurs intentions, laissant au hasard le soin de décider de l’évolution globale de l’oeuvre. Avec Arp, Ernst multiplie les collages les plus étranges à partir d’illustrations, et les baptise Fatagaga (fabrication de tableaux garantis gazométriques). Alors que la plupart des dadaïstes et des cubistes, laissent au seul hasard le soin de rassembler les formes, Max Ernst les organise avec le plus grand soin, créant un monde fantastique où s’unissent des lignes géométriques, des éléments réalistes et des images oniriques. En novembre 1919, il présente avec Baargeld des oeuvres qui devraient figurer dans une exposition organisée par le Kuntsverein de la ville. Ayant vu leurs oeuvres refusées, les deux artistes exposent dans une salle à part et publient le catalogue Bulletin D. Par ailleurs, Max Ernst, la même année, fait paraître à Cologne un album de huit lithographies dadaïstes, Fiat modes pereat ars. Dans cette même ville, annoncée le 20 avril 1920, l’exposition Dada-Vorfrühling, à laquelle participent Arp, Baargeld, Ernst et Picabia, est interdite par la police sous prétexte qu’on ne peut y accéder qu’en passant par les toilettes d’une brasserie.
Max Ernst : page de Fiat modes pereat ars, Cologne – 1919 -
Après retrait d’une oeuvre de Max Ernst La parole ou femme-oiseau jugée obscène, l’exposition est à nouveau autorisée.
En mai 1921, Max Ernst expose à Paris où il s’installera, et Dada s’éteindra peu à peu à Cologne. Quant à Baargeld, il renoncera à la peinture et disparaîtra en 1927, enseveli dans une avalanche.
Jean-Michel PALMIER
Affiche annonçant la réouverture de
L’exposition Dada-Vorfrühling, fermée
par la police, Cologne, – 1920 -
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