La peinture expressionniste – August Macke

August Macke – Dame à la jaquette verte – 1913

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Originaire de Westphalie, après des études à Cologne et à Bonn, August Macke fréquenta de 1904 à 1908 l’Académie des arts et l’Ecole d’art et d’industrie de Düsseldorf. Par la suite, il travaillera comme décorateur de théâtre dans cette ville. En 1905, il voyagea en Italie, à Paris en 1907, et suivit les cours de Lovis Corinth à Berlin. En 1910, il fit la connaissance de Franz Marc et demeura son ami, participant aux activités du Blauer Reiter. Macke fut aussi lié à la plupart des peintres de Munich : Jawlensky, Marianne von Werfkin, Kandinsky, Campendonk. Il voyagera avec Klee en Afrique, avec Franz Marc à Paris où il se liera avec Delaunay.

Il fut tué en septembre 1914, dans les tranchées, à l’âge de 27 ans. En l’espace de six années de travail intensif, il avait assimilé les influences les plus diverses : l’impressionnisme, le futurisme, le cubisme et l’expressionnisme. Ses premières toiles révèlent l’influence de Cézanne, mais aussi des Fauves, et finalement du cubisme auquel il s’intéresse sous l’influence de Delaunay et d’Apollinaire.

La Dame à la jaquette verte  représente au premier plan une femme seule, de profil, élégamment vêtue de cette jaquette qui se retrouve dans le nom de la toile. A l’arrière-plan, s’avancent deux couples qui se tiennent par le bras. Scène de promenade sans doute, tous ces personnages sont vêtus avec recherche : toilettes raffinées des femmes, costumes noirs et chapeaux melons des hommes. On est frappé par la construction rigoureusement symétrique de la toile autant que par la beauté des couleurs. Si l’on trace une verticale au centre de la toile, on constate qu’elle traverse la femme au premier plan et détermine deux parties à peu près identiques : on retrouve de chaque côté un arbre, un couple, une partie du fleuve, quelques maisons. Les couleurs se correspondent également : brun doré du sol au vert doré des feuillages qui forment une voûte au -dessus des personnages en laissant apparaître une échancrure de ciel plus clair, qui semble auréoler le personnage principal. Il est impossible de savoir si la femme est immobile ou en mouvement, si elle accompagne les personnages ou les regarde, si elle est seule ou en retrait. L’étrange beauté qui émane de l’oeuvre tient autant à la construction symétrique, à l’élégance du paysage et des personnages qu’à l’éclat vif des couleurs.

On note bien sûr l’influence de Monet, de Degas, mais surtout l’utilisation symbolique des couleurs propres au Blauer Reiter . Leur arrangement fait songer aux toiles de Franz Marc. Ce sont les mêmes teintes vives et harmonieusement réparties, le même lyrisme qui en émane. L’inspiration est toutefois bien différente. Alors que Franz Marc s’oriente vers la métaphysique, le spirituel, le suprasensible, Macke évoque des scènes quotidiennes, parfois inspirées du post-impressionnisme : femmes regardant aux étalages des vitrines, en promenade, ou boutiques de modistes. Toutes les toiles de Macke sont poétiques et lyriques, délicates et évocatrices de l’éphémère. Ses silhouettes de femmes graciles, de jeunes filles sous les arbres, sont inspirées de l’impressionnisme, mais les couleurs sont le plus souvent irréelles, les visages suggérés, les personnages montrés de dos ou de profil. Il s’attache moins à représenter des scènes ou des moments, comme Degas, que d’en dégager la signification symbolique et poétique. L’innocence, le calme, la gaieté marquent la plupart de ces évocations, renforcées par les brillants effets de couleur post-impressionnistes.

On notera la construction cubiste de la toile, inspirée de Delaunay, mais surtout le choix des couleurs très proche du Blauer Reiter  (il collabora au célèbre Almanach ), et la tendance à l’abstraction. Il est difficile de savoir comment aurait pu évoluer le style d’August Macke. On ne peut rester insensible à la fraîcheur, à la poésie de ses toiles qui contrastent à la fois avec l’aspect métaphysique du Blauer Reiter , et la violence émotive de la  Brücke .

Jean-Michel Palmier

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