La peinture expressionniste : Emil Nolde

Emil Nolde  – Nature morte avec danseuses – 1914

noldeemil02.jpg

De son vrai nom Emil Hansen, voué à l’agriculture, Nolde travailla dans une fabrique de meubles jusqu’en 1888. Il suivit des cours privés de dessin à Munich en 1898, puis résida à Paris, étudia à l’Académie Julian et s’enthousiasma pour l’impressionnisme. En 1906, il devint membre de la Brücke et participa aux expositions du groupe (1906-1907). plus âgé que les autres membres, il séjourna avec eux à Dresde et leur transmit sa technique de la gravure à l’eau-forte tandis qu’il s’inspira de leur technique de la gravure sur bois. En 1907 il se sépara du groupe et rejoignit la Nouvelle Sécession en 1910.

Les thèmes des toiles de Nolde sont souvent empruntés à la nature et plus spécialement aux paysages du Nord de l’Allemagne – étangs et landes tristes. A partir de 1909, apparaissent dans ses oeuvres, après une grave maladie, des thèmes religieux, qui iront jusqu’à l’obsession, traités avec un élan quasi visionnaire. Tout ce qu’il représente est marqué par une certaine violence, qu’il s’agisse de paysages, de nus, de villes, de portraits. Haï par les critiques, il n’osera pratiquement plus exposer après 1913. A partir de 1911-1912, il s’intéressera à l’art primitif, participera à une expédition organisée par le ministère des Colonies allemandes et s’embarquera pour les mers du sud. On retrouve dans ses toiles, la même mystique de la nature et le même sentiment religieux. Nolde, s’identifiant parfois au Christ, n’hésite pas, adolescent, à… s’ enterrer dans une tranchée. Ce fut sans doute Munch qui le marqua le plus profondément ainsi que Van Gogh et Ensor. A Van Gogh, dont il ira voir les toiles en 1911 au cours d’un voyage en Belgique et en Hollande, il emprunte certaines couleurs obsédantes, à Ensor le thème des masques. sans idées politiques précises, attaché au décor de son enfance, il n’en adhérera pas moins très tôt au mouvement nazi mais sera exposé en 1937 comme « artiste dégénéré « et, à partir de 1941, il lui sera rigoureusement interdit de peindre. Même rallié au mouvement, il était qualifié d’ »artiste négroïde » et de  » bolcheviste de la culture « .

Nature morte avec danseuses  (1914) permet de saisir le détail de sa technique et l’atmosphère si particulière de ses toiles. Au premier plan, la nature morte est composée de deux vases de tulipes jaunes et rouges, d’un bibelot de porcelaine posé sur une surface bleue sombre. Au mur pend une toile montrant deux danseuses échevelées. Le mouvement est rendu par les positions désarticulées des bras et des jambes, les chevelures rouges qui semblent voler en même temps que les robes de paille noire. La toile frappe par sa violence : celle des couleurs tout d’abord où le jaune des tulipes et du vase contraste avec le grenat du fond, mais surtout ces corps de danseuses-pantins qui semblent prises d’un rythme frénétique. La distorsion des corps est une tendance générale de l’oeuvre de Nolde. Dans Géants , on voit de petits personnages danser sur une table et les danseuses de cette nature morte sont déjà présentes, presque identiques, dans La Danse devant le veau d’or (1910), tout comme les fleurs (Printemps dans une pièce , 1904, Dans le jardin , 1906) et l’on a pu parler à propos de ces représentations de corps de danseuses de « fantaisie démoniaque « . C’est un fait que les danseuses ressemblent plus à des  » sorcières  » qu’à des personnages réels. La spontanéité du sens de la couleur chez Nolde est renforcée par une volonté de simplicité. Les formes sont le plus souvent notées par des contours irréguliers et vagues. Les contrastes sont d’une extrême violence au niveau des couleurs étalées souvent avec les doigts sur des morceaux de carton. Il y a une gaieté de la couleur qui contraste aussi avec le côté démoniaque et visionnaire de ses motifs – scènes religieuses ou corps désarticulés. D’abord assez sombre, la palette de Nolde ira en s’éclaircissant à partir de 1911. Il est vraisemblable que les danseuses représentées par Nolde sont inspirées de celles qu’il vit au cours de ses voyages en Nouvelle-Guinée ou en Asie. L’influence de ce primitivisme subsistera dans les toiles de Nolde jusqu’en 1920. si on retrouve chez Nolde de nombreux caractères communs aux membres de la Brücke, sa violence, sa sensibilité religieuse tourmentée lui donnent une place à part dans l’histoire de la peinture expressionniste.

Jean-Michel Palmier.

Laisser un commentaire