• Accueil
  • > SOCIETE
  • > Au vitriol:  » J’ai confiance en la justice de mon pays  »

Au vitriol:  » J’ai confiance en la justice de mon pays  »

Article paru dans Politique Hebdo du 1er novembre 1973.

« J’ai confiance en la justice de mon pays »d’Alain Scoff
par le théâtre Bulle, au Théâtre Mouffetard.

alainscoff.gif

 

 

 

Alain SCOFF. 
Né le 1er décembre 1940 à Paris Formation d’acteur chez Pierre Aimé Touchard et au cours Charles Dullin.
Acteur à la comédie de Saint-Etienne-Jean Dasté, au Théâtre Populaire de Lorraine et au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis entre autres compagnies

Assistant metteur en scène de Guy Rétoré au Théâtre de l’Est Parisien.

Co-fondateur et metteur en scène de la compagnie des Tréteaux d’Ile de France avec Paula Jacques.

Metteur en scène et directeur-fondateur de la compagnie du Théâtre-Bulle (Théâtre Mouffetard et Tournées en province)

Adaptations théâtrales :
  - Capitaine Fracasse (en collaboration avec Paula Jacques)
- Allô Hélène (de Ray Conney, en collaboration avec Pierre Charras)
- Histoires d’os (adaptée de Pierre Dac).
Pièces de théâtre : (jouées)
  - Bulles de savon – bons sentiments
- Jésus-fric supercrack (publiée aux éditions de l’Avant-Scène)
- J’ai confiance en la justice de mon pays( publiée aux éditions P.J. Oswald)
- Cause à mon Q.I. ma télé est malade
- Et vous trouvez ça drôle ? (en collaboration avec J.P. Sèvres)

          Ils sont là, le père et la mère, graves et émouvants, trainant sur la scène avec des cordes ce cercueil de leur fils, interrogeant les médecins, les policiers, les avocats, les avoués, les juges, les témoins, s’efforçant de comprendre comment et pourquoi Jean-Pierre T., jeune ouvrier de 24 ans, a trouvé la mort dans un commissariat, lors d’une garde à vue.

          La pièce fait mal.  Et quand on quitte la salle, il est dur de ne pas parler à ses voisins. Aussi, presque spontanément des groupes se sont constitués qui la commentent et s’interrogent sur les actions possibles pour que de tels évènements ne se reproduisent plus impunément. L’affaire Thévenin (la mort suspecte d’un jeune homme au commissariat de Chambéry) est bien connue.

          Aujourd’hui une pièce, une pièce au vitriol qu’il faut voir à tout prix car on peut parier qu’elle ne restera pas longtemps à l’affiche. Conçue comme un spectacle de télé-vérité, la télévision objective et impartiale qui propose de faire la lumière sur l’affaire et envoie à Chambéry son présentateur le plus sympathique, le plus gai pour rassurer les téléspectateurs; après avoir fait défiler tous les témoins, évoquer tous les aspects de l’affaire, sauf quelques-uns que l’on coupe parce qu’ils ne correspondent pas au scénario établi, la télévision montre la bonne foi de la police et le beau travail de la justice. Conçue dans l’esprit des mistères -Bouffesde Maïakovski, c’est une féerie cinglante où l’on voit défiler des petits pantins dans un guignol, où figurent les policiers, les juges, les avocats tirés par des fils invisibles que sont « l es appels téléphoniques en haut lieu  » que l’on donne dans les coulisses. Seul ce cercueil, cette femme et cet homme en noir sont réels comme l’appel que lance la mère de Jean-Pierre Thévenin :  » Je me suis dit que moi, mon fils, il faut que je lutte pour sa mémoire mais il est pourri dans un cercueil. »

          A la fin du spectacle, – mais est-ce un spectacle ?- une libre discussion réunit les spectateurs, des militants, des avocats, des jeunes qui s’efforcent de dégager les possibilités de lutte contre de tels actes. On y parle du rôle du théâtre, mais surtout de la garde à vue, de sa légitimité, des « bavures » commises par certains policiers, et de l’impuissance du simple citoyen confronté à l’impunité des représentants des forces de l’ordre. On y parle aussi des rapports entre la justice et la police et comment un grain de sable peut enrayer la machine. Par-delà la mort de Jean-Pierre Thévenin, il y a aussi le problème de la répression contre les jeunes, la tristesse de leur vie dans les grands ensembles qui sont évoqués. Un nom, un prénom prononcé souvent : Malika, l’histoire d’une autre petite fille morte à la suite d’une intervention policière.

          Il faut voir cette pièce à tout prix. Il faut y envoyer tout le monde. Les militants mais aussi les jeunes de la banlieue et souhaiter que des policiers aient le courage de la voir, pour comprendre comment et pourquoi Mme Thévenin a perdu confiance dans la justice de son pays.

Jean-Michel PALMIER

lninelartetlarvolution1.jpg 

Le mistère-Bouffede Maïakovski, in Lénine, l’art et la Révolution de J-M Palmier chez Payot

L’élément de ce spectacle peut se résumer ainsi :

- Il s’agit de briser l’espace clos de la scène et du théâtre traditionnel pour leur substituer l’espace ouvert des places et des rues.
- Le théâtre n’est plus un monde séparé du vécu, de l’histoire, de la politique, c’est son expression et sa transformation symbolique.

- La séparation acteur/spectateur n’existe plus. L’acteur n’est plus un professionnel. Ce sont les soldats, les ouvriers et les paysans qui sont acteurs de l’histoire et de la scène. Le spectateur appartient à la foule et l’acteur n’est que l’un d’entre eux. Il est le symbole individualisé du héros collectif.
- L’espace théâtral est identique à l’espace de la ville et et le temps de l’action est celui de l’histoire. Le présent, le passé et l’avenir ne cessent de fusionner dans le projet révolutionnaire qui unit la mémoire historique, le rêve, la réalité.
- Le théâtre est aussi l’expression d’un combat politique. On y représente non seulement des combats historiques entre le prolétariat et la bourgeoisie (Révolution française, La Commune, Octobre), mais aussi les multiples aspects de la lutte des classes.
- Tous les arts qui interviennent dans le théâtre révolutionnaire – peinture, sculpture, poésie – sont des oeuvres collectives qui visent à permettre l’expression de l’ouvrier/acteur, sans que l’on dissocie la lutte, le théâtre, le travail. L’usine elle-même peut devenir lieu d’expression théâtrale et elle constitue aussi le décor du véritable théâtre de rues.
-Souvent les spectateurs se m^lent aux acteurs et le théâtre se confond avec la réalité. Presque tous ces spectacles s’achèvent sur l’Internationale reprise en choeur par les ouvriers acteurs/spectateurs et la stylisation fait place à la réalité.

Extrait du chapitre II : La propagande et les arts, l’art instrument d’agitation – la littéralisation des rues.Le théâtre de rues et les fêtes page 453 et suivantes.

lemistrebouffecompagniedelatre1.jpg 

Scène du mistère-Bouffe de Maïakowski par le théâtre de l’Âtre de Montpellier

mystrebouffe.jpg

Scène d’une autre représentation du mistère-Bouffe de Maïakovski

Laisser un commentaire