Ernst Bloch
Coupure d’article publié dans Le Monde en 1972
* »La Philosophie de la Renaissance », traduit de l’allemand par Pierre Kamnitzer; Petite Bibliothèque Payot, 183 pages, 10,15 F
On ne regrettera jamais assez que les oeuvres principales d’Ernst Bolch - l’Esprit de l’Utopie (1), Principe espérance, l’Héritage de ce temps - n’aient pas encore été traduites en français. Son livre sur Thomas Münzer, théologien de la révolution (2), portrait fascinant du réformateur ennemi de Luther, et Traces (3), fragment de prose poètique entre le rêve et la réalité, ne donnent qu’une image incomplète de l’oeuvre monumentale de ce penseur qui, à l’âge de quatre-vingt-dix ans continue d’exercer une influence profonde sur la jeunesse allemande. Aussi faut-il souligner l’intérêt de cette traduction des cours que donne Bloc sur la Philosophie de le Renaissance. On y retrouve la constellation des grands thèmes qui jalonnent son oeuvre.
Profondément lié au courant expressionniste, Bloch n’a cessé d’affirmer la puissance révolutionnaire du rêve, de la révolte romantique, de l’utopie. L’oeuvre de ce marxiste hétérodoxe, de cet athée mystique, est une variation presque musicale sur les mêmes thèmes. Cette Philosophie de la Renaissancen’est pas un chapitre d’histoire de la philosophie. Si Bloch étudie les grands courants théoriques qui ont marqué la Renaissance, c’est pour y trouver, comme Nietzsche chez les Pré-socratiques, de « grandes individualités », des « possibilités de vie ».
S’ il accorde une grande importance aux bouleversements économiques et techniques – développement du capitalisme, ascension de la bourgeoisie, progrès de la science, glorification du travail – il voit surtout, dans la Renaissance, une ardeur , un sentiment d’immensité et d’infini, inconnus auparavant.
Les philosophes sont pour lui des conquistadores qui brisent les vieilles idoles, créent des valeurs nouvelles. Giordano Bruno porte sur ses épaules « le manteau magique de Faust », Campanella est le poète de la finitude et du néant. Lorsque Bloch veut montrer ce qui sépare la Renaissance allemande de la Renaissance italienne, il ne peut s’empêcher d’ opposer des paysages : le ciel de la Méditerranée et les forêts humides et pluvieuses couvertes de nuages.
JEAN-MICHEL PALMIER.
(1) à paraître chez Gallimard.
(2) Julliard, 1964.
(3) Gallimard, 1968.
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